TRANSPOSITION DE L'OBLIGATION DE FIXER UNE VALEUR MINIMIALE AUX ACCORDS-CADRES ?
Décret n° 2021-1111 du 23 août 2021 modifiant les dispositions du code de la commande publique relatives aux accords cadres et aux marchés publics de défense ou de sécurité
QUELLE NOUVEAUTE A ETE APPORTE PAR LA DECISION DE LA CJUE DU 17 JUIN 2021 ?
Dans sa décision très importante du 17 juin 2021 (CJUE 17 juin 2021 Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, aff. C‑23/20), le CJUE a décidé que les acheteurs publics doivent préciser dans leurs avis de marchés pour leurs accords-cadres la valeur et/ou quantité estimée et la valeur et/ou quantité maximale des produits à fournir. De plus, elle précise qu'il doit être aussi indiqué qu'une fois la valeur et/ou quantité maximale atteinte l'accord aura épuisé ses effets.
Les juges européens justifient cette décision de plusieurs manières. D'une part, ils invoquent des raisons pratiques, cela ne représente pas une charge supplémentaire pour les acheteurs qui sont déjà chargés d'estimer le marché pour choisir la procédure de passation adéquate. D'autre part, des raisons plus théoriques, ces nouvelles prescriptions jurisprudentielles sont en accord avec les principes fondamentaux de la commande publique, celui d'égalité de traitement, mais surtout celui de transparence des procédures.
De plus, permettre aux acheteurs publics de passer des accords-cadres sans montant maximum revient à les soustraire à la contrainte de la règle fondamentale qui interdit de modifier substantiellement le contrat, et donc de modifier la quantité des biens fournis. Cette règle vise à permettre une remise en concurrence périodique des contrats publics.
Les juges européens insistent sur le fait que cette valeur maximale n'est pas simplement indicative, mais elle a un caractère contraignant. Ainsi, le titulaire de l'accord peut engager sa responsabilité s'il fait défaut avant d'avoir atteint la valeur ou quantité maximale et l'acheteur public ne peut pas, dans ses demandes, dépasser ce qu'il a indiqué au départ.
COMMENT LE GOUVERMENT A-T-IL TRANSPOSE CETTE JURISPRUDENCE DANS LE CODE DE LA COMMANDE PUBLIQUE ?
La réaction du Ministère de l'Economie :
Dans un premier temps, la Direction des Affaires juridiques de Bercy du Ministère de l'Economie est venue communiquer sur les conséquences à tirer de cette décision (Direction des Affaires Juridiques - Conséquences sur les accords-cadres de l’arrêt de la CJUE Simonsen & Weel - 07/07/2021)
Elle a recommandé aux acheteurs de prévoir, pour leurs futurs projets d’accords-cadres, le montant maximum des marchés subséquents ou des bons de commande qu’elles pourront demander aux attributaires d’exécuter et au-delà duquel ces attributaires seront libérés de leurs obligations contractuelles. Elle reprend ici la substance de l'arrêt de la Cour européenne.
Elle a cependant apporté d'utiles précisions. D'une part, la DAJ affirme que le montant maximum pourra correspondre à une somme plus élevée que celle estimée prévisible pour les achats. Une telle démarche est censée assurer aux acheteurs une marge de sécurité permettant de répondre à de possibles très fortes hausses du besoin. D'autre part, elle confirme que cette décision ne remet nullement en cause la possibilité pour les acheteurs de passer des accords-cadres sans montant minimum contractuel.
La transposition dans le code de la commande publique :
Le décret dont il est ici question arrive à point nommé pour figer les nouvelles règles prises en conséquence de l'arrêt de la CJUE. D'un point de vue général, il met fin à la possibilité de passer des accords-cadres sans fixer un maximum contraignant.
Plus précisément, le décret du 23 août 2021 modifie deux articles du code de la commande publique. En premier lieu l'article R.2121-8 ne mentionne plus la possibilité que des accords-cadres soient passés sans maximum. Dans un second temps, l'article R.2162-4 offre deux nouvelles possibilités aux acheteurs publics, soit de passer les contrats avec une valeur minimum et maximum des biens en valeur en argent ou en quantité soit de passer des contrats avec seulement un maximum. Dans tous les cas, les acheteurs publics sont donc contraints de prévoir, au sein de la convention, un seuil maximal contraignant de la valeur ou de la quantité des biens.
Cette obligation réglementaire s'applique à compter du 1er janvier 2022. Les accords-cadres en vigueurs ne sont donc pas menacés en principe, même si le traitement jurisprudentiel de cette nouvelle règle du code de la commande publique reste à définir. Dans ce cadre évolutif, il est largement conseillé aux acheteurs publics de faire preuve d'une grande précaution dans la fixation de ces seuils maximums. En effet, s'il n'est pas encore possible de déterminer quelle sera l'intensité du contrôle du juge administratif sur ces seuils, il est possible de penser que celui-ci sanctionnera les seuils maximums irréalistes dont le but est d'éviter l'application de cette nouvelle règle.
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