COMMENT LE JUGE APPRECIE L’ACTION DES TIERS EN DEMOLITION D’UNE CONSTRUCTION ?
QUELS ETAIENT LES FAITS DE L’ESPECE ?
Un permis de construire initial a été délivré le 24 décembre 2010 aux requérants puis un permis modificatif est intervenu le 1er février 2011, les autorisant à édifier une maison d’habitation. Le Plan de prévention du risque inondation (PPRI) approuvé par arrêté préfectoral du 28 février 2012 a ensuite classé la parcelle des consorts O. en zone inondable rouge.
La société L. affectée par les constructions des consorts O. a introduit une action en annulation des deux permis de construire à laquelle a fait droit le juge administratif au motif d’une atteinte à la sécurité publique (CAA Marseille, 10 avril 2015, n° 13MA01643). Statuant en excès de pouvoir, le juge administratif n’a pas pris en compte le PPRI de 2012 mais seulement cette atteinte à la sécurité publique, existante dès la délivrance des actes contestés.
Afin de voir appliquer cette décision juridictionnelle, le tiers a assigné les consorts O. en démolition des constructions devant le juge judiciaire. Le couple a été condamné à exécuter la démolition par un arrêt du 19 décembre 2019 de la Cour d’appel de Nîmes. Le juge d’appel a également prononcé une astreinte de 500€ par jour de retard et une condamnation au paiement de 30 000€ de dommages et intérêts.
Les consorts O. se sont alors pourvus en cassation mais par un arrêt du 11 février 2021, la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi (Civ., 3e, 11 février 2021, n°20-13.627).
QUE NOUS APPREND L’ARRÊT SUR L’ACTION DES TIERS EN DEMOLITION ?
Ce litige a été l’occasion pour le juge de cassation de préciser les conditions dans lesquelles les tiers peuvent agir en démolition.
A ce titre, l’article L.480-13 du code de l’urbanisme dans sa version actuelle issue de la loi « Macron » du 6 août 2015 pose une limite à cette action des tiers en démolition du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme. En effet, contrairement à celle intentée par le préfet devant le juge administratif, cette action des tiers est limitée aux seules zones mentionnées au 1° de l’article L.480-13 du même code, ce qui correspond aux zones de protection particulière.
La juge explique d’ailleurs que ce raisonnement du législateur maintenant mais limitant l’action des tiers en démolition met en exergue une conciliation équilibrée entre l’objectif de sécurisation des projets de construction et la prévention des risques naturels ou technologiques.
QUE NOUS APPREND L’ARRÊT SUR LA DEMOLITION D’UNE CONSTRUCTION EN ZONE INONDABLE ?
L’article L.480-13 du code de l’urbanisme pose deux conditions à la démolition d’une construction. D’une part, le permis doit avoir été annulé et d’autre part, la construction doit être située dans une zone de protection particulière.
La première condition ne présente aucune difficulté mais l’arrêt revient sur la date de prise en compte du classement en zone inondable (zone de protection particulière) qui, en l’espèce, est intervenue après la délivrance du permis de construire. Cette seconde condition n’existait pas à la date de la délivrance des permis de construire mais a été introduite en 2015 dans l’objectif de sécurisation des projets de construction.
Les demandeurs au pourvoi soutenaient que les dispositions de l’article et notamment la deuxième condition ne leur étaient pas applicables. Ils avançaient le moyen selon lequel l’appréciation du caractère protégé de la zone devait se faire au jour de l’attribution du permis de construire, et en 2010, leur parcelle n’était pas située en zone de protection particulière.
Toutefois, la Cour de cassation rejette le pourvoi considérant que l’équilibre recherché dans ces dispositions permet au juge d’ordonner la démolition d’une construction en appréciant au jour où il statue qu’elle est située dans une zone de protection particulière.
En se plaçant au jour où elle a statué pour retenir que la construction litigieuse était située dans une zone inondable selon le PPRI, la cour d’appel de Nîmes a valablement déduit que la seconde condition pour faire droit à l’action des tiers en démolition était remplie.
APPLICATION D’UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE
La décision en question s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle l’article L.480-13 dans sa rédaction issue de la loi « Macron » sont d’application immédiate, toujours dans le but de sécuriser les opérations d’urbanisme. Elles sont applicables quand bien même le permis de construire aurait été délivrée avant l’entrée en vigueur de la loi.
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