EST'IL POSSIBLE DE RENONCER A LA GARANTIE DECENNALE DANS UN PROTOCOLE TRANSACTIONNEL ?
Réponse ministérielle n° 11294 : JO Sénat 22 juill. 2021, p. 4618 (page 155 du pdf)
QUELS SONT LES FAITS PRESENTES PAR LE PARLEMENTAIRE ?
Un parlementaire a interpellé le ministre de l'Intérieur sur le cas d'une commune dont le mur d'enceinte de l'école a été endommagé par le propriétaire privé d'une parcelle voisine. Ce dernier propose de reconstruire à ses frais le mur. L'élu demande si l'acceptation par la commune de cette solution dans le cadre d'un protocole transactionnel permettra tout de même l'accès au régime de la garantie décennale.
Le protocole transactionnel est l’aboutissement d’une transaction, définie par l’article 2044 du Code civil comme étant un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Il doit impérativement s’agir d’un écrit par lequel deux cocontractants conviennent de ne pas porter un différend en justice, en échange, le plus souvent, d’une indemnisation pour la partie qui renonce à son droit d’agir. En l'espèce, l'indemnisation consiste en la réparation du mur aux frais du propriétaire de la parcelle voisine.
QUELLE EST LA REPONSE SI LE MUR APPARTIENT AU DOMAINE PRIVE DE LA COMMUNE ?
Si le mur d'enceinte appartient au domaine privé de la commune, un litige qui naîtrait de l'exécution du protocole transactionnel reviendrait en principe au juge judicaire. Celui ci est lié par la lettre du Code civil qui prévoit en son article 1792 que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. L'article 1792-4-3 précise que cette action se prescrit par dix ans à compter de la réception des travaux et l'article 1792-5 dispose que toute clause d'un contrat qui a pour objet d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue à l'article 1792 est réputée non écrite.
Les choses sont donc très claires du côté du droit privé et du juge judicaire, la garantie décennale est d'ordre public et il n'est pas possible d'y renoncer conventionnellement.
QUELLE EST LA REPONSE SI LE MUR APPARTIENT AU DOMAINE PUBLIC DE LA COMMMUNE ?
En revanche, ces dispositions du Code civil ne fondent pas le régime applicable aux constructions qui relèvent du droit administratif, lequel a été établi par la jurisprudence. Le juge administratif a depuis toujours considéré que ces dispositions ne sont qu'une source d'inspiration pour lui lorsqu'il a élaboré un régime juridique autonome du droit civil. Ainsi, le juge administratif considère que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de 10 ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de 10 ans (CE, 31 mai 2010, n° 317006).
Dans ce cadre là, le juge administratif ne considère pas la garantie décennale comme étant d'ordre public. Il admet qu'un contrat ait pour objet la substitution d'une garantie contractuelle à la garantie décennale s'il ressort une commune intention des parties de substituer la garantie légale décennale à une garantie contractuelle ou encore la volonté de l'écarter (CE, 8 févr. 1997, n° 160996 , Commune de Nancy). Il incombera alors au juge administratif, si la commune invoque la responsabilité décennale du voisin de l'école, d'apprécier si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs » (CE, 7 déc. 2015, n° 380419 , Commune de Bihorel).
Attention, si la commune n'a pas la qualité de maître d'ouvrage, il sera nécessaire que le protocole d'accord transactionnel organise une cession de la créance en garantie décennale à son profit (CE 3 oct. 1986, n° 58084 , Sté Tunzini-Nessi Entreprises)
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