LE JUGE PEUT-IL PRONOCER L'ANNULATION D'UN CONTRAT ALORS QUE LE REQUERANT NE DEMANDAIT QUE LA RESILIATION ?
CE, 9 juin 2021, n° 439047
QUELS SONT LES FAITS DE L'ESPECE ?
Une commune a passé en 2015 un marché visant à confier à une société une mission d'assistance à la maitrise d'ouvrage et d'accompagnement juridique pour la construction et la gestion d'un crématorium. Cependant, un candidat à ce marché qui n'a pas été retenu décide d'attaquer le contrat et d'en demander la résiliation. Pour cela, il saisit le Tribunal administratif en premier ressort d'une contestation de la validité de ce contrat.
Cependant, les juges de première instance rejettent la demande de résiliation. Le requérant fait appel mais les juges de la Cour administrative d'appel de Bordeaux rejettent cet appel en considérant que les nouvelles écritures du candidat évincé demandant l'annulation de ce contrat sont irrecevables.
Celui-ci n'entend pas s'arrêter là et saisit le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation de cet arrêt rendu en appel.
QU'EST CE QUE LE RECOURS EN CONTESTATION DE LA VALIDITE DU CONTRAT ?
Le recours :
Le candidat évincé a tenté d'obtenir la résiliation juridictionnelle du contrat en introduisant un recours en contestation de la validité de celui-ci devant le juge administratif. Ce recours, bien qu'il ne soit pas nouveau, a été largement renouvelé par l'arrêt rendu en Assemblée du Conseil d'Etat de 2014, Département du Tarn et Garonne. En effet, cette décision a étendu les personnes susceptibles de saisir le juge du contrat dans le cadre d'un tel recours de plein contentieux. Désormais, les candidats évincés et les tiers d'être lésé dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine peuvent exercer cette voie de recours.
Avant que n'intervienne l'arrêt TROPIC de l'Assemblée du Conseil d'Etat en 2007, les candidats évincés ne pouvaient obtenir l'annulation du contrat que par la voie du recours pour excès de pouvoir contre un acte détachable, comme la décision de signer le contrat par exemple. Néanmoins, même si le juge faisait droit aux requérants, la question de l'effet d'une telle décision d'annulation d'un acte détachable sur le contrat restait particulièrement incertaine.
Depuis 2007, les candidats évincés sont désormais admis à saisir le juge du contrat pour contester la validité de celui-ci ou la validité de certaines de ses clauses. Comme ce recours est un recours de plein contentieux, le juge dispose de pouvoirs bien plus larges pour choisir quelle issue il souhaite donner au litige. En effet, le juge du contrat est chargé, après avoir révélé des irrégularités dans la procédure de passation ou dans le contrat par exemple, de choisir une solution qui soit la moins attentatoire au principe de stabilité des relations contractuelles et la plus respectueuse de l'intérêt général.
Les pouvoir du juge :
Comme le rappelle le Conseil d'Etat dans cette décision, le juge du contrat dispose de plusieurs options.
Dans la majorité des cas, pour maintenir la relation contractuelle, le juge va préférer enjoindre les parties à régulariser le contrat ou les clauses litigieuses. L'exécution de celui-ci peut alors se poursuivre.
Néanmoins, le juge du plein contentieux a des pouvoir très entendus et il peut, si des mesures de régularisation ne sont pas envisageables, prononcer la résiliation du contrat. Il peut aussi dans les cas les plus graves, c'est a dire en cas de vices du consentement ou de vices d'une particulière gravité, décider de l'annulation rétroactive de la convention. Bien entendu, un telle annulation ne doit pas causer une atteinte trop excessive à l'intérêt général notamment en interrompant un service public essentiel.
LE JUGE PEUT-IL OUTREPASSER LES DEMANDES DES REQUERANTS ?
Habituellement, dans le cadre du recours en plein contentieux, le juge administratif est sensé être lié par les demandes des requérants et ne peut les outrepasser que dans de rares cas. Pourtant, dans cette décision, les conseillers d'Etat affirment que le juge n'est pas tenu par ces demandes.
Les juges de la Haute Cour considère que le juge du contrat dispose du pouvoir d'annuler la convention entre les parties et qu'il lui revient d'en faire usage lorsque les conditions sont réunies. A partir du moment où les irrégularités révélées sont de nature à justifier une annulation du contrat, nonobstant les demandes des requérants, le juge doit procéder à une telle annulation. Il peut même relever d'office des irrégularités graves et conclure à l'annulation sur la base de ces éléments qu'il a lui même soulevés.
Dans l'affaire dont il est question ici, la Cour administrative d'appel avait rejeté l'appel formé par le candidat évincé car elle considérait qu'il ne pouvait pas demander l'annulation du contrat après avoir seulement demandé la résiliation en première instance. Cependant, le Conseil d'Etat répond que les juges de premières instance saisis de conclusions visant à la résiliation du contrat étaient d'ores et déjà à même de prononcer l'annulation de cette convention. Alors, il faut considérer que la nouvelle demande en appel du requérant ne change rien à ce que le juge était était en capacité de faire. Sa requête en appel doit donc être acceptée.
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